Voici Mélanie, 40 ans presque. Une petite brune institutrice d’école, dont la timidité ne s’arrête qu’en franchissant les portes de sa classe, ou en tête à tête avec une amie de longue date.
Je l’ai rencontrée sur Tinder, elle avait un profil un peu mystérieux et une description de plus d’une phrase sans faute d’orthographe. Cela attire toujours mon œil.
Nos échanges épistolaires avec Mélanie furent denses et pouvaient être qualifiés de sexuellement prometteurs. Ils avaient commencé par des discussions simples mais toujours emplies, soit dans leur forme, soit dans leur fond, d’une certaine poésie littéraire. Une poésie simple, modeste, une littérature d’école primaire. Ils avaient ensuite rapidement dérivés vers des considérations plus terre à terre, pour ne pas dire bibliques, mais toujours avec ce niveau de langage très légèrement au-dessus de la moyenne.
Mélanie était à une période charnière de sa vie. Après une relation longue, une séparation violente, et pas moins de cinq ans de célibat (du vrai, pas le « célibat » dont parlent la plupart des trentenaires, constitué d’une dizaine d’hommes de transition allant du bricoleur exploité au plan cul qui les snobe), elle avait enfin décidé de remonter sur le vélo et souhaitait maintenant découvrir certaines choses. Beaucoup de choses en fait, et principalement du sale.
Elle était bien tombée pour ça. Je suis évidemment, par mon métier et ma prétention, plus pédagogue que la moyenne. Mais lorsqu’il s’agit d’initier des jeunes filles à l’ensemble des pratiques sexuelles qu’elles souhaitent expérimenter, je suis parmi les meilleurs, les amenant même souvent aux expériences qu’elles n’imaginaient pas possibles.
Nous décidâmes de nous rencontrer enfin, après quelques semaines d’échanges, mais les aléas de mon emploi du temps m’obligèrent à annuler notre rendez-vous en dernière minute, pour une raison indépendante de ma volonté. Elle eut la délicatesse de comprendre, et nous repoussâmes donc notre rencontre de deux semaines.
Ces quelques jours d’attente supplémentaires me permirent d’élaborer avec elle une théorie étrange et osée. Sachant que la première rencontre n’avait pas eu lieu pour des raisons extérieures et que nous avions tous les deux une certaine confiance dans le fait qu’elle se serait de toute façon bien déroulée, je décidai de considérer qu’elle avait eu lieu. Nous décrétâmes donc d’un commun accord en être déjà au stade du deuxième rendez-vous, et nous nous mîmes à imaginer ce qu’aurait pu être, aurait dû être, et donc par extension avait été, ce premier rendez-vous. Il aurait consisté en un verre agréable, suivi d’un dîner, et d’un raccompagnement au métro se terminant par un baiser sur les lèvres. Oui, elle avait faim certes, mais elle restait fleure bleue.
En suivant cette logique, notre premier/deuxième rendez-vous devait donc se vivre comme une retrouvaille, commençant naturellement par un baiser. Le plan était fixé, la date aussi, et je me délectais à l’avance de cette future entrevue si singulière.
Nous nous donnâmes rendez-vous en fin d’après-midi au jardin du Luxembourg. Après l’avoir cherchée quelques minutes, je finis par la trouver debout sous un arbre. Elle était petite, habillée de couleur sombre et peu sexy, et semblait très gênée. Sa timidité était sincère, et je sentais bien qu’elle se faisait consciemment violence pour réaligner progressivement ses fantasmes avec sa vie réelle. Cette rencontre en était la première étape.
En m’approchant d’elle, je réfléchissais à la manière de m’y prendre. La tâche était beaucoup plus subtile qu’il n’y paraissait. Embrasser directement une femme qu’on n’a encore jamais vu, ça ne se fait pas comme ça, même après des échanges longs et un consentement explicite de sa part que je redemandai quelques minutes avant par texto. Ce baiser étrange lui en apprendrait plus sur moi que tous nos échanges et déciderait de la suite des événements dans son esprit, il fallait donc s’appliquer.
Arrivé à quelques mètres d’elle, je ralentis le pas. Nous allions réaliser en accéléré ce que d’autres font en quatre heures de rendez-vous, et qui plus est avec une femme qui n’avait pas touché un homme depuis cinq ans. Il fallait donc qu’elle puisse gravir en un laps de temps record chaque marche de l’escalier.
Mon pas ralenti lui permit d’observer mon physique, afin qu’elle puisse constater qu’il n’y avait pas de tromperie par rapport à ce qu’elle avait vu sur mon profil. Il lui permit aussi d’observer ma démarche et ma tenue, dont l’assurance avait pour but de la rassurer.
Je lui dis bonjour d’une voix calme et intelligible, afin qu’elle découvre mon timbre. Je lui souris à pleine bouche afin qu’elle y voit une part de charisme. Je lui pris les mains calmement pour qu’elle se fasse à mon contact physique. Je rapprochai gentiment mon visage afin qu’elle se prépare et accepte le baiser. Je stoppai à quelques centimètres de ses lèvres puis passai mes doigts contre sa joue et dans ses cheveux, pour ajouter une dernière étape d’escalade avant l’instant fatidique.
Elle se laissa faire sans bouger, préparée elle-aussi à l’idée que tout allait aller très vite et qu’il fallait qu’elle ingurgite en un temps record cette proximité. Mes lèvres finirent par toucher les siennes.
Même le baiser fut une lente escalade. Quatre lèvres collées, qui s’ouvrirent progressivement, pour que les deux pointes de langues se saluent, puis se mélangent, tandis que mes mains faisaient connaissance avec sa nuque, son oreille, la cambrure de son dos et ses fesses. Elle n’embrassait pas trop mal pour une pratiquante rouillée.
Après ce premier contact, il aurait été facile d’éclater chacun d’un rire gêné, mais cela aurait quelque peu rompu l’étrange délicatesse de l’instant. Je conservai donc mon flegme et la pris par la main pour commencer notre déambulation dans le parc à la recherche d’un banc libre.
C’est ainsi que commença mon premier/deuxième rendez-vous avec Mélanie.